Tout comme les restaurants, les magasins ont leur face cachée. Les dark stores commencent à fleurir dans les centres-villes et les centres commerciaux, à mesure que la logistique urbaine se développe.
Mais qu’y a-t-il à retenir derrière le phénomène « dark store » ? Une livraison en moins de 15 minutes ? L’utilisation de surfaces délaissées en centre-ville pour mieux servir le client ?
En tout cas, ce sujet met en ébullition le monde de la distribution alimentaire. Après l’accord entre Carrefour et Cajoo, c’est au tour de Casino de s’associer à l’allemand Gorillas, poids lourd des dark stores.
Bulle ou tendance lourde ? Côté startup, les financements affluent à tel point que certaines levées de fonds dépassent maintenant le milliard d’euros (ou de dollars) :
- Gorillas en Allemagne,
- Getir en Turquie,
- Gopuff au USA,
- Et les grands acteurs historiques, de leur côté, multiplient les partenariats ainsi que les initiatives en propre.
Que faut-il en penser ? Comment articuler cette dynamique avec les tendances déjà établies dans le monde de la logistique omnicanal comme le microfulfillment ou encore l’automatisation de l’entrepôt ?
Gorillas fait partie des nouveaux acteurs dark stores en France sur la livraison express alimentaire. -© Gorillas
Qu’est-ce qu'un Dark Store ?
Si la définition est largement fluctuante, il s’agit, selon nous, de transformer des espaces délaissés et donc invisibles du public en petits entrepôts très proches du client final et dédiés à la préparation de commandes et à la livraison sur une courte distance.
Les dark stores sont une application du micro-fulfillment et peuvent être accolées à un magasin existant ou encore fonctionner de manière totalement indépendante.
Un dark store combine la nécessité de traiter un grand nombre de commandes dans un espace très limité, ce qui incite évidemment à étudier les solutions d’automatisation.
L’opérateur prépare la commande dans le dark store, dans un délai de trois à quatre minutes - © LSA
Pourquoi parle-t-on autant des Dark Stores ?
Les dark stores s’inscrivent dans la tendance d’une livraison à domicile toujours plus rapide avec des parcours qui se terminent le plus souvent avec des moyens de transport décarbonés.
Les dark stores répondent également au besoin de « rendre les magasins au client ». Toutes les enseignes se battent pour faire revenir le consommateur. Elles doivent donc trouver une solution pour que les allées du magasin ne soient pas encombrées par les employés qui préparent les livraisons à domicile.
Enfin, les dark stores complètent utilement l’offre click and collect, drive ou encore drive piéton pour répondre aux enjeux du quick commerce.
En effet, dans l’alimentaire, la demande a explosé durant les différents confinements et se maintient à un niveau élevé.
Selon le cabinet Nielsen, l’e-commerce reste en 2021 le circuit alimentaire le plus dynamique et dépasse maintenant la proximité, avec 9 % des ventes, contre 8,4 % pour le circuit de la proximité, d’après les données arrêtées au 13 juin. [Source = Le Monde 12 septembre 2021].
L’enjeu pour une livraison ultra-rapide, c’est la logistique du dernier kilomètre, ce qui nécessite une implantation du stock en cœur de ville.
Mais ce qui contribue également beaucoup à la popularité du terme, c’est aussi qu’il rappelle le dark web (partie cachée du web qui abrite des activités illégales) et les dark kitchens (restaurants sans salle et dont la production est uniquement destinée à la livraison).
Des voix s’élèvent déjà, notamment du côté politique, pour s’opposer aux dark stores et ainsi défendre le commerce de proximité, combattre les nuisances et préserver une certaine idée de la ville idéale.
Les enjeux de l’implantation d’un Dark Store
Pour limiter les charges foncières généralement très élevées en centre-ville, les opérateurs se tournent en priorité vers des surfaces délaissées et cachées du public :
- Souterrains,
- Parkings,
- Garages,
- Les surfaces commerciales dont le rendement est insuffisant sont également des candidates à la reconversion en dark stores.
© Les surfaces dont le rendement est insuffisant sont des candidates à la reconversion en dark stores.
Pour pouvoir tester un concept encore très récent, les marques commencent souvent par ouvrir des espaces d’environ 100 m² pour progressivement augmenter la surface jusqu’à 1000 m².
Le point clé est évidemment la capacité à livrer le client tout en limitant les perturbations. Dans le cas des souterrains et parking, il faut un accès facile à la voirie. Et pour les surfaces en rez-de-chaussée, de plus en plus de dark stores choisissent d’aménager une partie de l’espace pour internaliser la zone de chargement.
Enfin, il faut naturellement être en capacité d’alimenter régulièrement le stock et donc de réceptionner les livraisons. Certains dark stores prévoient également des salles de repos pour les livreurs.
A l’intérieur du magasin, l’organisation des rayons ressemble plus à un entrepôt qu’à une boutique. En particulier, les produits sont organisés par popularité pour optimiser les déplacements et donc le temps de préparation de commande. Au total, les dark stores peuvent proposer jusqu’à 5000 références.
De leur côté, les grandes marques de distribution alimentaire occupent déjà des surfaces importantes en centre-ville. Elles réfléchissent aujourd’hui à convertir une partie des mètres carrés en dark stores qui se trouvent alors accolées à un magasin.
En général, les dark stores doivent également s’accommoder d’un espace très contraint :
- Zones utiles de petite taille,
- Faible hauteur sous plafond,
- Pylônes.
Suivant les cas, une automatisation peut être malgré tout judicieuse.
Farmy, par exemple, a transformé une ancienne cave à vin au cœur de Zurich en dark store en utilisant la solution Flexypick de Scallog.
Solution Flexypick dans le hub logistique de Farmy à Zurich - © Scallog
Faut-il s’attendre à vivre dans des Dark cities ?
La demande pour une livraison ultra-rapide, économique et qui respecte l’environnement est avérée. Aujourd’hui, les levées de fonds se compte en milliards d’euros et les grands acteurs de la distribution alimentaire prennent résolument position sur ce nouveau créneau.
La tendance dépasse donc le simple ajustement à un contexte de pandémie. Tous les opérateurs de dark stores multiplient les implantations, mais ils regardent également comment augmenter la taille des dark stores existants et ainsi proposer toujours plus de références.
Les enjeux de la livraison quasi-immédiate dépassent largement la dark store car il faut aussi être en mesure de gérer le réapprovisionnement, parfois plusieurs fois par jour, ce qui peut également modifier l’amont de la chaîne logistique.
Aujourd’hui, les opérateurs logistiques et les marques doivent être capables de faire évoluer leur entrepôt rapidement en fonction de la demande : l’éclater en plusieurs dark stores ou au contraire consolider les flux. Cela nécessite des solutions d’automatisation toujours plus flexibles – Olivier Rochet, CEO Scallog
Le phénomène des dark stores est pour le moment limité à l’alimentaire, mais il devrait s’étendre à d’autres domaines. Le bricolage, par exemple, a vu une explosion de la demande de livraison à domicile pendant la crise Covid-19 et les employés chargés de faire les préparations de commande dans les magasins désertés par les clients ont souffert de l’agencement inadapté des rayons.
Certaines marques ont pour projet de proposer des dark store accolées aux magasins transformés en show-room ou même en remplacement des petites surfaces situées en ville.
Reste à solutionner le besoin en conseil et à accélérer la cadence de réapprovisionnement.
Même si le terme « dark stores » suscite de nombreux fantasmes, nous sommes loin d’imaginer vivre dans des dark cities. En revanche, cette nouvelle offre d’une logistique ultra-rapide oblige à s’interroger sur le rôle du magasin et sur l’expérience proposée au consommateur.
La bonne nouvelle, c’est que cette démarche est engagée un peu partout et en particulier pour les hypermarchés qui souhaitent conserver la préférence des Français [Source : LSA du 13 octobre 2021].
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